Dr Mohit Gera : Il existe un lien très étroit entre les forêts et l’eau. En fait, à l’échelle mondiale, 75 % de l’eau douce accessible provient de bassins forestiers et de zones humides. Et là où il y a des forêts, ces sols sont riches, vivants, grâce aux arbres. Si la pluie tombe directement sur le sol, elle le soulève et des torrents de boue se déversent dans les rivières et les cours d’eau. C’est pourquoi nous voyons des rivières, qui auparavant étaient claires comme de l'eau de roche, devenir marron. Le couvert forestier constitue la seule solution viable pour disperser et réguler l’énergie des précipitations de manière très efficace.

Si la pluie tombe directement sur le sol, elle le soulève et des torrents de boue se déversent dans les rivières et les cours d’eau. C’est pourquoi nous voyons des rivières, qui auparavant étaient claires comme de l'eau de roche, devenir marron.

Quand on observe de près le lien entre les arbres et la qualité et la disponibilité de l’eau, on ne peut que s’émerveiller de l’intelligence de la nature. C’est comme si les arbres avaient été créés pour agir comme régulateurs naturels. Le feuillage des arbres contrôle la vitesse de chute des précipitations et démarre la fonction d’humus, le compost riche en matières organiques composé de feuilles, brindilles, graines et fleurs en décomposition.  L’humus a la capacité d’absorber l’eau comme une éponge, mais ce qui devient vraiment intéressant, c’est la façon dont il régule le flux d’eau dans les rivières, les ruisseaux et les aquifères. Les eaux souterraines, en raison de la gravité, finissent par s’écouler dans les rivières en l’espace de quelques heures et elles emportent avec elles la couche arable, ce qui n’est pas une bonne nouvelle. Mais lorsque la chute des précipitations est interrompue par les arbres, l’infiltration dans les rivières peut prendre des semaines, voire des mois, et s’écouler goutte à goutte dans le réseau hydrographique principal, en fonction du chemin emprunté.

Ce réseau hydrographique est réalimenté petit à petit longtemps après les pluies, ce qui maintient la bonne santé des rivières et des ruisseaux. Les forêts et l’eau sont liées de trois façons. Premièrement, les arbres améliorent la qualité de l’eau. L’humus, dont nous avons parlé tout à l’heure, est l’un des meilleurs mécanismes de filtration inventés par la nature. Il peut filtrer les sédiments et les composants des engrais chimiques. Ce qui signifie que seule de l’eau propre pénètre dans les réseaux hydrographiques.

Deuxièmement, et c’est le plus important : la régulation de l’eau. Alors que l’écoulement des pluies ne dure que quelques heures dans un système de sol ouvert, le système forestier régule l’eau pendant des semaines et des mois, ce qui augmente la durée de l’écoulement. Voilà pourquoi on peut voir des ruisseaux et des rivières autour d’épaisses forêts couler même en été, alors que les plans d’eau autour des terres arides ne se remplissent que pendant les moussons. Et la troisième façon est l’évapotranspiration, le processus par lequel les arbres libèrent dans l’atmosphère de l’humidité qui se condense et retombe sous forme de pluie. C’est pourquoi les forêts riveraines sont très importantes.

Quand on retire les arbres des bassins fluviaux, on perturbe un système naturel reposant sur un équilibre très délicat. C’est ce que l’on peut constater avec toutes les rivières en voie d’assèchement en Inde. Prenons l’exemple du Cauvery. Autrefois, le Cauvery coulait en permanence et l’eau était propre. À cette époque, le bassin fluvial possédait une couverture forestière épaisse. Mais de nos jours, il y a certains mois pendant lesquels le Cauvery ne parvient pas jusqu’à l’océan. Ce ne sont pas des changements faciles à corriger. Si l’on détruit ces systèmes, la nature nous en fera payer le prix. Le Cauvery compte 21 affluents, qui doivent tous couler tout au long de l’année pour que le Cauvery redevienne un fleuve pérenne. Et le seul moyen pour qu’ils continuent de couler, c’est de réimplanter des arbres le long des rives.


L’auteur de cet article est le Dr Mohit Gera, directeur de l’Institute of Forest Genetics & Tree Breeding. Il a été professeur/directeur de l’Energy and Resources Institute (TERI) et a également été Secrétaire du Conseil de contrôle de la pollution de l’État du Jammu-et-Cachemire. M. Gera est fonctionnaire de l’État du Jammu-et-Cachemire et a publié plusieurs travaux de recherche primés dans son domaine d’expertise.

(Vidéo disponible en anglais uniquement.)

Note de la rédaction : cet article a été publié en premier dans Swarajya (magazine et journal indien).

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