Samadhi : un aperçu de « Ce qui n’est pas »
Le mot samadhi vient de « sama » qui signifie équanimité et de « dhi » qui signifie buddhi ou intellect. Sadhguru nous donne quelques précisions sur la signification de ce mot, les différents types de samadhi et l’état de mahasamadhi.
Lorsqu’une personne meurt et est enterrée, le nom de cette personne sera attribué à l’endroit. À l’inverse, lorsqu’une personne atteint un certain état dans un certain lieu, le nom du lieu sera attribué à la personne. Voilà pourquoi certains yogis portent le nom d’un lieu particulier. C’est pour cette raison que Sri Palani Swami s’appelle ainsi, parce qu’il est resté assis dans un état de samadhi à un endroit appelé Palani. Les gens l’appelaient simplement Palani Swami parce qu’il ne s’était jamais présenté à personne. Il ne leur avait jamais dit son nom parce qu’il n’en portait aucun. Puisqu’il avait atteint l’éveil à cet endroit, les gens l’ont appelé Palani Swami. Beaucoup de yogis et sages sont nommés de cette façon.
Qu’est-ce que le samadhi ?
Le mot « samadhi » est souvent mal compris. Les gens croient que le samadhi est une situation semblable à la mort. Le mot « samadhi » se compose littéralement de « sama » et de « dhi », « sama » signifiant équanimité et « dhi » signifiant buddhi ou intellect. Si vous atteignez un état d’intellect équanime, on parle de samadhi.
La nature fondamentale de l’intellect est de discriminer : si vous êtes capable de faire la distinction entre une personne et un arbre, c’est uniquement parce que votre intellect fonctionne. Le pouvoir de discriminer est très important pour la survie. Si vous voulez briser une pierre, vous devez voir la différence entre la pierre et votre doigt, sinon vous vous briserez le doigt. La capacité de discriminer est un instrument qui soutient et met en œuvre l’instinct de survie présent dans chaque cellule du corps.
Si vous transcendez l’intellect, vous devenez équanime. Ça ne signifie pas que vous perdez la capacité de discriminer. Si vous perdez l’intellect discriminant, vous deviendrez fou. Dans un état de samadhi, votre intellect discriminant est en parfait état de marche, mais en même temps vous l’avez transcendé. Vous ne faites pas de distinction : vous êtes simplement ici, à voir la vie dans son fonctionnement réel. Dès que vous laissez tomber ou transcendez votre intellect, la distinction ne peut plus exister.
Tout devient un ensemble, ce qui est la réalité. Un tel état vous fait expérimenter l’unicité de l’existence, l’unification de tout ce qui est.
Toute la spiritualité consiste à dépasser cette discrimination et l’instinct de survie, qui servent seulement pour la dimension physique de la vie. Le samadhi est un état d’équanimité où l’intellect va au-delà de sa fonction normale de discrimination, ce qui détache une personne de son corps physique. Un espace est créé entre vous et votre corps.
Dans cet état, ni le temps ni l’espace n’existent plus. Le temps et l’espace sont une création de votre mental. Lorsque vous avez transcendé le mental qui vous limite, le temps et l’espace n’existent plus pour vous. Ce qui est ici est là, ce qui est maintenant était alors. Ni le passé ni le futur n’existent plus pour vous. Tout est ici, dans cet instant. Vous pouvez penser que quelqu’un est en samadhi depuis trois jours, mais pour lui, ce ne sont que quelques instants : ça passe juste comme ça. Il a transcendé la dualité de ce qui est et ce qui n’est pas. Il a passé la frontière et goûté à ce qui n’est pas, ce qui n’a ni forme, ni structure, ni attributs, ni qualités : la non-chose.
L’existence entière, les multiples formes de la création, sont uniquement présentes si l’intellect est là. Dès que vous dissolvez votre intellect, tout se dissout pour ne former plus qu’un.
Ce qui n’est pas
L’existence est composée de « ce qui est » et de « ce qui n’est pas ». « Ce qui est » a une forme, une structure, des qualités, une beauté. « Ce qui n’est pas » n’a rien de tout ça, mais est libre. De temps à autre, « ce qui n’est pas » pénètre dans « ce qui est ». Et au fur et à mesure que « ce qui est » devient plus conscient, surgira le désir de devenir « ce qui n’est pas ». Même si l’on apprécie la forme, les qualités, les attributs et la beauté de ce qui est, le désir de parvenir à un état de liberté absolue est inéluctable et inévitable. Ce n’est qu’une question de temps, et l’aliénation du temps et de l’espace n’est elle aussi qu’une hallucination de « ce qui est ». « Ce qui n’est pas » ne perçoit ni le temps ni l’espace, car il est illimité, éternel et non soumis aux limites du temps et de l’espace.
Quand le désir de se libérer des processus fondamentaux de l’existence surgit, le mental et la nature angoissée des émotions ne peuvent percevoir ça que comme une auto-annihilation. Pour un mental pensant, le processus spirituel n’est rien d’autre qu’un suicide volontaire. Mais ce n’est pas un suicide, c’est beaucoup plus que ça. Le suicide est une très mauvaise façon de vouloir en finir. Je dis mauvaise, parce que ça demeure un échec. Ça ne fonctionne pas. Or, dans cette culture, on trouve des experts qui savent faire les choses d’une façon qui fonctionne vraiment : c’est le processus spirituel.
Huit types de samadhi
Il existe différents types de samadhi. Lorsque vous êtes dans le corps, il existe huit types de samadhi chez l’être humain. Ces huit types ont été classés en deux grandes catégories : savikalpa, c’est-à-dire les samadhi ayant des attributs et des qualités, qui sont très agréables, joyeux et extatiques ; et nirvikalpa qui rassemble les samadhi qui vont au-delà de la notion d’agréable et de désagréable, qui n’ont ni attributs ni qualités.
Les samadhi en eux-mêmes n’ont pas une grande importance en termes de réalisation.
Ceux qui entrent dans des états de nirvikalpa samadhi sont toujours gardés dans des atmosphères protégées, car ils n’ont plus qu’un contact très limité avec le corps devient très minime. La plus petite perturbation, comme un bruit ou une piqûre d’épingle, peut les déloger de leur corps. Ces états sont maintenus pendant un certain temps pour établir la distinction entre vous et le corps. C’est une étape importante dans l’évolution spirituelle d’une personne, mais ce n’est pas encore l’Ultime. Les samadhi en eux-mêmes n’ont pas une grande importance en termes de réalisation.
Plusieurs des disciples de Gautama le Bouddha entraient dans des états méditatifs prolongés. Ils y restaient pendant des années. Mais Gautama lui-même n’en a jamais fait autant, car il voyait que ce n’était pas nécessaire. Il a pratiqué et expérimenté les huit types de samadhi avant son éveil et les a rejetés. Il a vu que ça ne l’amènerait pas plus près de la réalisation. Ça revient à passer à un niveau plus élevé d’expérience et vous pourriez encore plus vous laisser prendre au piège, car c’est plus merveilleux que la réalité immédiate. Au moins, lorsque vous méditez maintenant, vous avez de la douleur dans les jambes pour vous rappeler à la réalité présente. Là, il n’y a pas de douleur pour vous rappeler à la réalité, ce qui d’une certaine façon est plus dangereux.
Un état temporaire
Faire l’expérience d’un certain type de samadhi ne signifie pas que l’on est libéré de l’Existence. Il ne s’agit que d’un nouveau niveau d’expérience. C’est comme quand vous étiez enfant, vous aviez un niveau d’expérience. En devenant adulte, vous avez un autre niveau d’expérience. Vous faites l’expérience des mêmes choses d’une façon tout à fait différente selon les divers moments de votre vie : vous passez d’un niveau d’expérience à un autre. Il en va de même pour les samadhi. Vous passez d’un niveau d’expérience à un autre dans un sens beaucoup plus significatif et profond, mais ce n’est au fond qu’un autre niveau d’expérience.
Une personne peut entrer dans un certain état de samadhi et y rester pendant des années parce que c’est agréable. Ni l’espace ni le temps n’existent plus. Il n’y a plus de problèmes corporels. Elle a en partie brisé les barrières physiques et psychologiques. Mais ce n’est que temporaire. Aussitôt qu’elle sort de cet état, elle a faim, elle doit dormir et tout redevient comme avant.
Le samadhi a assurément des bienfaits. Il peut apporter bien des avantages à un individu, mais il ne vous amène pas vraiment plus près de la réalisation, en tant que telle. Comparé à un homme sobre, un homme qui est un peu ivre connaît un niveau différent d’expérience, mais il doit redescendre à un moment donné. Tous les samadhi, je dirais, sont une façon de s’enivrer sans produits chimiques externes. Le fait d’entrer dans ces états ouvre une nouvelle dimension pour vous, mais ça n’apporte pas de grande transformation. Ça ne vous transforme pas de manière permanente. Vous n’êtes pas passé·e à une autre réalité. C’est juste que dans la même réalité, votre niveau d’expérience s’est approfondi. Vous avez fait l’expérience des mêmes choses de façon plus profonde. Vous ne vous êtes pas libéré·e du mental.
Au piège dans votre propre monde
De nombreux yogis ont créé leur propre monde et sont restés coincés dans de telles réalités. J’aborde ici un domaine obscur, mais de nombreux yogis ont créé leur propre monde autour d’eux. Un yogi va dans une grotte et crée réellement son propre univers et y vit. Ce n’est pas une plaisanterie. Il crée tout ce qu’il veut : ses propres planètes, sa propre terre, son propre tout, et il vit là très heureux. Un univers est contenu à l’intérieur de la grotte. On peut créer tout un univers dans l’espace d’un atome parce que « ici et là » et « cette quantité-ci et cette quantité-là » sont une création du mental.
Il existe de nombreux yogis comme ça, mais ils ne sont pas plus près de la réalisation que vous. Ils vivent dans un monde différent, c’est tout. Ils sont probablement plus coincés que vous parce qu’ils en sont aussi les créateurs. Ils ont appris l’art de la création. Ça ne devient pas une libération ultime. C’est juste une action différente, une façon différente de faire les choses.
Un artiste dessine un nouveau monde sur une toile. Un yogi le crée réellement. La création de l’artiste est bidimensionnelle, alors que celle du yogi est tridimensionnelle, ce qui est plus trompeur. Un artiste peut devenir si impliqué dans le monde qu’il crée, qu’il se mettra à croire qu’il est vrai, et ça le sera pour lui. Un poète croit que tout ce qu’il écrit est la vérité. De même, un peintre profondément impliqué dans ce qu’il fait croit que ce qu’il peint est la vérité. Si c’est le cas pour des choses bidimensionnelles, on est encore plus pris au piège par les choses tridimensionnelles que l’on crée autour de soi.
Définir le but
Lorsque vous désirez transcender votre propre conscience, vous avez besoin de chaque parcelle de ce que vous avez. Entrer dans divers états n’est pas important. Ça ne vous conduira pas à la libération. Nous avons suffisamment d’énergie pour amener beaucoup de personnes dans des états de samadhi. Si vous voulez partir ainsi pendant trois ou six mois, c’est possible, mais à quoi bon ? Ça ne conduit pas à la dissolution. Ce n’est qu’un autre type de karma.
Si le but est défini, si vous avez fait de la réalisation la plus grande priorité de votre vie, alors tout ce qui ne vous amène pas un pas plus près de ce but est inutile. Un homme qui veut escalader le mont Everest ne fera jamais un pas de côté à moins que ce ne soit absolument nécessaire. Chaque parcelle de son énergie est dépensée dans le seul but d’atteindre le sommet. Lorsque vous désirez transcender votre propre conscience, vous avez besoin de chaque parcelle de ce que vous avez.
Mahasamadhi
Tant que vous êtes dans le corps, quelle que soit la libération que vous atteigniez, le corps est une limitation. Ce n’est pas une libération absolue. Lorsqu’une personne quitte son corps en pleine conscience, nous appelons ça mahasamadhi, parce qu’il s’est défait ou elle s’est défaite de son corps.
Le mahasamadhi est une dimension dans laquelle vous transcendez la discrimination : non seulement au niveau de l’expérience, mais également au niveau de l’existence. Il n’y a plus vous et l’autre. En ce moment, il y a vous et l’autre ; c’est un certain niveau de réalité. Dans un état de samadhi, vous allez au-delà de la discrimination et dans votre expérience, vous pouvez voir l’unicité de l’existence.
Le mahasamadhi, ce n’est pas seulement que vous voyez ça ainsi : vous êtes devenu ainsi totalement, il n’y a plus de discrimination. Ce qui veut dire que l’existence individuelle n’existe plus. Ce que vous êtes n’existe plus. La vie qui fonctionne en tant que vie individuelle devient alors absolument universelle ou cosmique ou sans limites. Pour l’exprimer autrement, vous faites un avec Dieu ou un avec tout.
Lorsque je dis « un avec Dieu », ça ne veut pas dire partir et rejoindre quelqu’un quelque part. C’est juste que votre bulle individuelle n’est plus. Pour utiliser une analogie, votre existence est actuellement comme une bulle. Une bulle qui flotte est tout à fait réelle, mais si vous la crevez, où va l’air contenu dans la bulle ? Il fait simplement un avec l’atmosphère. Il est complètement dissous. Voilà ce que veut dire « un avec tout ». Il n’y a plus rien. « Vous » ne sera plus là. Mukti, c’est la libération de l’existence. Je ne parle pas de l’existence en tant que quantité dont vous vous libérez. Vous vous libérez de votre propre existence : votre existence n’est plus.
Nirvana : aller au-delà de l’existence
Le mahasamadhi est un état dans lequel une personne quitte volontairement le corps. Le cycle est achevé. Il n’y a plus de renaissance, c’est une dissolution complète. On peut dire que cette personne n’est réellement plus.
Que l’on appelle ça mukti ou nirvana ou moksha, il s’agit de la libération du fardeau même de l’existence. C’est la liberté ultime parce que, aussi longtemps que vous existez, vous êtes asservi·e d’une façon ou d’une autre. Si vous existez physiquement, c’est une servitude. Si vous quittez le corps physique et existez d’une autre façon, c’est une autre servitude. Tout ce qui existe est gouverné par une certaine loi. Mukti signifie que vous avez enfreint toutes les lois et les lois ne peuvent être enfreintes que si vous cessez d’exister.
Nirvana est un mot plus approprié parce que nirvana signifie « non-existence ». Lorsqu’il n’y a plus d’existence, vous êtes même libéré·e de la liberté parce que la liberté est aussi une certaine servitude. Donc, vous êtes libéré·e de votre existence même. Toute distinction entre ce qui est vous et ce qui n’est pas vous a disparu.
Pour que quelqu’un puisse faire ça, prendre sa vie et la jeter sans blesser le corps, il faut une énergie considérable. Le mahasamadhi est un état dans lequel une personne quitte volontairement le corps. Le cycle est achevé. Il n’y a plus de renaissance, c’est une dissolution complète. On peut dire que cette personne n’est réellement plus.
La vie passe d’un niveau à un autre. En réalité, la mort n’existe pas. La mort existe seulement pour celui qui n’est pas conscient de la vie. Il y a seulement la vie, la vie et la vie seulement. Mais le mahasamadhi veut dire la vraie fin. C’est le but de tout chercheur spirituel. Au bout du compte, il ou elle veut aller au-delà de l’existence.