Patanjali, père du yoga moderne
Le yogi et mystique Sadhguru se penche sur la vie et les capacités exceptionnelles de Patanjali, père du yoga moderne et auteur des célèbres Yoga Sutras.
Qui est Patanjali et pourquoi est-il si important ? Sadhguru donne sa vision du père du Yoga moderne.
Sadhguru : Si vous regardez Patanjali, il ne peut pas être plus éveillé que quelqu’un d’autre. Il n’y a rien de tel. La réalisation est la réalisation. Mais en tant qu’homme et surtout en tant qu’intellectuel, il est une telle intelligence que devant lui, les scientifiques d’aujourd’hui ont l’air d’enfants de maternelle. Sa compréhension de la vie est si vaste qu’elle paraît impossible pour un seul être humain. Il est fantastique par sa maîtrise du langage, des mathématiques et sa perception de l’astronomie. Les érudits d’aujourd’hui soutiennent qu’il ne s’agit pas là du travail d’un seul homme, que de nombreuses personnes ont dû y travailler, car cette œuvre est telle qu’elle ne peut tenir dans l’intellect d’un seul homme. C’est le travail d’un seul homme. Il est probablement l’un des plus grands intellectuels de tous les temps sur cette planète.
Il est connu pour être le père du yoga moderne. Il n’a pas inventé le yoga. Le yoga existait déjà sous diverses formes, qu’il a regroupées dans un système. Shiva, l’Adiyogi ou le premier yogi, a transmis le yoga aux Sapta Rishis, les sept sages, il y a plusieurs milliers d’années. Il avait la compréhension la plus fine de la nature humaine, mais il n’a rien mis par écrit. Il était trop rebelle pour être un érudit. Estimant trop difficile de conserver tout ce qu’il savait en une seule personne, il a choisi sept sages à qui il a transmis différents aspects du yoga. C’est ce qui a donné les sept formes de base du yoga. Même aujourd’hui, bien que celles-ci se soient ramifiées en centaines de systèmes, le yoga a toujours conservé sept formes distinctes.
Les Yoga Sutras
Patanjali est venu beaucoup plus tard et a en quelque sorte tout regroupé. Il a vu que tout ça devenait trop diversifié et complexe pour que quiconque puisse le comprendre vraiment. Il a donc regroupé et inclus tous les aspects dans un certain format : les Yoga Sutras.
Le mot « Sutra » signifie littéralement fil. En langage moderne, nous pouvons comparer ça à une formule. Toute personne connaissant l’alphabet anglais, même un enfant de la maternelle, peut prononcer E=mc², mais cette petite formule cache d’énormes quantités d’informations scientifiques que la plupart des gens ne comprennent pas. Il en va de même pour les sutras, sous forme de fil. Par ignorance, les gens ont simplement pris ces sutras et essaient de les mettre en œuvre tels quels. Un fil n’a pas d’importance en soi. Il ne peut y avoir de guirlande sans fil, mais personne ne porte jamais de guirlande juste pour le fil. Le fil a été donné pour que chaque maître fabrique sa propre guirlande. Vous pouvez y enfiler des fleurs, des perles ou des diamants. Le fil est indispensable, mais ce n’est pas un but en soi.
Sans avoir une certaine connaissance de cette culture, il est un peu difficile de comprendre quel genre d’esprit était Patanjali. Même si les écritures indiennes comme les Veda et les Upanishads sont assez phénoménales en elles-mêmes, tant en termes d’excellence grammaticale que de beauté poétique et de contenu, les Yoga Sutras constituent un travail absolument remarquable par rapport à toutes les écritures de la planète qui parlent de la vie et de l’au-delà.
C’est à la fois un formidable document sur la vie et le livre le plus inintéressant de la planète. C’est le livre le plus sec et le plus ennuyeux que vous puissiez lire. Ce n’est pas un ouvrage d’érudition au sens habituel du terme. Patanjali n’y enseigne aucune pratique. C’est un choix délibéré, et sa maîtrise de la langue et de la composition était telle qu’il l’a écrit de manière à ce qu’aucun érudit ne s’y intéresse. L’idée, c’est qu’il s’agit d’une formule pour faire éclore la vie. Si les gens apprécient sa poésie et son aspect littéraire, toutes sortes de personnes le liront, et notamment des érudits. Une fois qu’ils l’auront lu, ils en feront cent interprétations différentes.
Le sutra n’aura une signification que pour une personne qui se trouve à un certain niveau d’expérience. Sinon, ce n’est qu’un assemblage de mots qui n’ont aucun sens. Pour quelqu’un qui explore sa conscience, qui est dans un certain état d’expérience, il suffit de lire un seul sutra pour que ce soit explosif. Il n’est pas nécessaire de lire le livre en entier. Si vous lisez un seul sutra et le mettez en pratique dans votre vie, c’est suffisant. Il vous mènera à la réalisation.
Et maintenant yoga
Juste pour vous donner une idée du genre d’homme que c’est, il commence un si grand document de vie d’une manière vraiment étrange : le premier chapitre des Yoga Sutras n’est qu’une demi-phrase, pas même une phrase complète. Cette phrase est la suivante : « Et maintenant yoga. » Qu’y comprendre ? Intellectuellement, ça n’a pas de sens, mais expérientiellement, ça veut dire que si vous pensez encore que construire une nouvelle maison, trouver une nouvelle femme ou marier votre fille va régler votre vie, c’est qu’il n’est pas encore temps de vous mettre au yoga. Si vous avez connu l’argent, le pouvoir, la richesse et le plaisir, vous avez tout goûté dans votre vie et vous vous êtes rendu compte que rien ne va finalement vous combler et fonctionner dans le vrai sens du terme, si vous avez compris ce point, alors il est temps de vous mettre au yoga. Toutes les bêtises dans lesquelles le monde entier est impliqué, Patanjali les balaie d’une demi-phrase. C’est pourquoi le premier sutra est : « Et maintenant yoga. » Ça veut dire que vous savez que rien ne fonctionne et que vous n’avez pas la moindre idée du sens de tout ça. La douleur de l’ignorance vous déchire. Maintenant, yoga. Maintenant, il y a un moyen de savoir.
Il est inapproprié de dire que les Yoga Sutras de Patanjali sont un livre, parce qu’il ne s’agit pas d’un livre. C’est un agencement complexe d’outils : des outils si fantastiques, organisés de manière si brillante qu’il faudra attendre longtemps avant que quelque chose de similaire puisse un jour se produire. Parce que quelqu’un avec ce genre d’expérience intérieure ne se soucie généralement pas ou ne s’embarrasse pas de bêtises érudites. Et quelqu’un de si érudit est généralement tellement perdu dans son érudition qu’il n’a jamais aucune expérience intérieure. Jamais auparavant il n’y avait eu une personne possédant une profondeur absolue d’expérience intérieure, mais aussi une telle érudition et une telle maîtrise savante de la langue.
Il a simplement compris l’humanité de fond en comble, non pas en tant que personnes, mais en tant que mécanisme total du corps humain, du mental humain, de la conscience humaine. Tout, avec un tel niveau de détail et d’exhaustivité. Il n’y a tout simplement pas de meilleure façon de présenter les choses. En réalité, ce n’est pas juste, parce que quoi que vous essayiez de dire, il l’a déjà dit ! Vous pensez à l’idée la plus brillante et essayez de dire quelque chose, mais il l’a déjà dit. Il n’a plus rien laissé à dire sur la vie.
Le musicien
On dit qu’il jouait de différents instruments et que c’était un grand musicien et chanteur. La vina était l’un de ses instruments de prédilection et il composa de nombreux raga. Son intellect était tel qu’il pouvait maîtriser n’importe quoi. Il était absolument audacieux en tout et faisait les choses d’une manière difficile que personne ne pouvait percer.
Il y avait un autre sage, Vyagrapada, qui était son contemporain. Vyagrapada signifie « celui qui a des pieds de tigre ». Et il y avait quelqu’un d’autre portant un nom qui voulait dire « celui avec des cornes sur la tête ». Une fois, dans leurs plaisanteries, ils se sont disputés et ont taquiné Patanjali. Il a ensuite relevé le défi de composer de la musique dans n’importe quel raga sans utiliser d’alphabets avec des « cornes ». C’est presque impossible, mais il a composé une série musicale compliquée. Si vous l’écoutez, vous verrez que ça semble impossible, mais la musique colle toujours aux tonalités et aux mélodies des raga sans ces alphabets. C’est tellement incroyable. Voilà le genre d’homme que c’était.
Temple de Chidambaram
Dans le sud de l’Inde, cinq lingas ont été créés pour les cinq éléments de la nature. Patanjali a consacré le linga destiné à l’espace qui se trouve à Chidambaram.
Dans le système yogique, le serpent est utilisé comme symbole de l’énergie non manifestée, ou kundalini, parce que tant qu’il ne bouge pas, vous ne vous rendez même pas compte de sa présence. Patanjali était un si grand être, pour lui la divinité n’est pas un mouvement ascendant. C’est une cascade de divinité. C’est une sorte d’être humain dont les dieux seraient jaloux. Il est symboliquement représenté sous la célèbre forme mi-homme, mi-serpent indiquant qu’il s’est élevé au-dessus de la dualité de la vie et a atteint l’unité ultime, et ce faisant, a ouvert la porte aux autres pour atteindre la même chose. La moitié de son corps a été symboliquement transformée en serpent, car il n’est plus considéré comme une personne. Il est considéré comme la base même du système yogique.
Chitta Vritti Nirodha
Patanjali a défini le yoga comme étant Chitta Vritti Nirodha, ce qui veut dire littéralement que si vous arrêtez les modifications et l’activité du mental, vous êtes en yoga. Tout est devenu un dans votre conscience. Nous poursuivons peut-être beaucoup de choses dans nos vies et traversons des processus que nous considérons comme des accomplissements, mais aller au-delà des modifications du mental constitue l’accomplissement le plus fondamental et à la fois le plus élevé que l’on puisse atteindre, car ça libère un être humain de ce qu’il cherche, de ce qui est à l’intérieur et de ce qui est à l’extérieur, de toute chose. S’il parvient à calmer son mental, il devient une possibilité ultime. Le mental devient un simple miroir, pas un miroir bosselé. Un miroir bosselé va déformer toute la perception de la vie. Si vous ne le regardez pas, vous pouvez au moins avoir une idée de comment vous êtes, mais si vous le regardez tous les jours, il vous donnera une vision complètement déformée de toute chose.
À l’heure actuelle, la plupart des êtres humains n’utilisent leur mental qu’entre leur mémoire et leur imagination. La mémoire et l’imagination ne sont pas deux choses distinctes. La mémoire est le passé accumulé, l’imagination en est une version exagérée. Si vous amenez votre mental à un état où vous n’êtes ni contaminé par la mémoire ni trompé par l’imagination, alors votre mental est véritablement intelligent et pénétrant. Il voit tout ce qu’il y a à voir : la vie et sa source. Pour le processus de survie, votre mémoire et votre imagination suffisent, mais si vous voulez explorer d’autres dimensions de la vie, alors la mémoire et l’imagination ne suffisent pas, car elles ne sont qu’un recyclage de votre passé. Une fois que vous recyclez votre passé, il y a un schéma dans votre vie. Et ce schéma ne peut être brisé si votre mental est simplement engagé dans la mémoire et l’imagination. Une fois que vous êtes pris au piège d’un schéma, peu importe qui a créé le schéma, c’est une sorte d’esclavage. Essentiellement, se rendre compte que l’on est pris au piège des réalités psychologiques et que l’on passe à côté de l’expérience existentielle de la grandeur de la création est le premier pas vers la libération.
C’est la raison pour laquelle, parmi toutes les belles façons de l’exprimer, Patanjali a choisi la description Chitta Vritti Nirodha pour le yoga : une technologie qui peut vous emmener vers votre libération ou votre réalisation.