Qu'est-ce que la conscience ? La perspective d'un mystique
Sadhguru définit la conscience et démolit certains mythes courants sur un sujet très mal compris. Expliquant que la conscience n'a rien à voir avec le mental, il décrit les différents états de conscience d'un point de vue yogique.
Sadhguru définit la conscience
Sadhguru : Le mot « conscience » est très galvaudé. Il est utilisé de très nombreuses façons. Laissez-moi définir ce qu'on appelle la conscience. En tant que fragment de vie, en tant que corps, vous êtes une certaine quantité de terre, d'eau, d'air, de feu et d'éther, ou akash, et il y a une intelligence fondamentale qui assemble toutes ces choses d'une certaine manière pour en faire de la vie. Les mêmes ingrédients qui se trouvent là sous forme de boue se retrouvent ici dans la vie que vous êtes. Quelle transformation incroyable ! Il y a un niveau d'intelligence profond et inimaginable, qui peut transformer des choses simples comme de l'air en vie.Que ce soit un arbre, un oiseau, un insecte, un ver, un éléphant ou un être humain, tout est fait de la même matière simple. On appelle cette intelligence qui rend la vie possible la « conscience ». Si vous êtes inconscient, vous ne savez même pas si vous êtes vivant ou mort. Si vous êtes dans un sommeil profond, vous êtes vivant, mais vous ne le savez pas. La seule raison pour laquelle vous faites l'expérience de la vie et du fait d'être en vie, c'est que vous êtes conscient.
Sadhguru dissipe quelques mythes sur la conscience
#1 : La conscience n'est pas la veille
La nature de la langue anglaise est telle qu'elle est très performante pour décrire et définir des choses externes, mais qu'elle est très limitée en ce qui concerne les très nombreuses dimensions internes de ce que nous sommes. Pour utiliser la terminologie yogique, ce que l'on appelle généralement la conscience est jagruti, c'est-à-dire l'état de veille. Mais l'état de veille n'est pas considéré comme la conscience. L'état de veille est un état du corps, du mental et des bio-énergies en nous, mais ce n'est pas la conscience.
#2 : La conscience de soi n'est pas la conscience
Conscience ne veut pas dire devenir conscient de sa personne. La conscience de sa personne est une maladie, l'inconscience est la mort. Être conscient veut simplement dire que vous êtes en contact avec la racine de qui vous êtes. Ce que vous appelez la conscience n'est pas un acte, une idée ou même une qualité, c'est la base même de la création.
#3 : La conscience n'est pas un acte
La conscience n'arrive pas parce que vous faites quelque chose, mais simplement parce que vous l'avez permise. La vie vous arrive, mais ce n'est pas de votre fait. Ce qu'on appelle la conscience est la base de votre vie et de votre existence. Ce n'est pas quelque chose que vous pouvez faire ou ne pas faire à un moment donné. La conscience est toujours active, que vous soyez dans ce corps ou que vous soyez désincarné. La seule question, c'est de savoir si elle vous est accessible ou non. La conscience peut toujours accéder à vous, ça vous ne pouvez pas y échapper, mais est-ce que vous pouvez accéder à la conscience ?
#4 : La conscience ne vient pas du mental
Si l'on dit que votre conscience a augmenté, cela ne veut pas dire que vous êtes plus vigilant que votre berger allemand. La vigilance vient du mental. La conscience ne vient pas du mental, mais si la conscience est active, elle nettoie le mental. Elle s'exprime de force à travers le mental et le corps, et à travers chaque cellule de votre être.
Y a-t-il un lien entre la conscience et le cerveau ?
Dans les sciences yogiques, il n'y a pas de cerveau. Le cerveau est juste une partie du corps. Tout comme il y a un cœur et un foie, il y a un cerveau. Je pense que cette perception très exagérée de ce qu'est le cerveau vient du fait que nos systèmes éducatifs sont devenus purement intellectuels. Nous pensons que l'intellect est tout. Dans le système yogique, le mental humain est vu comme étant constitué de 16 parties. Ces 16 parties sont réparties en 4 catégories. La première est buddhi, c'est-à-dire l'intellect. L'intellect est essentiellement comme un couteau. Vous utilisez un couteau pour ouvrir les choses en deux. C'est la nature de l'intellect de disséquer tout ce que vous lui donnez. Toute la science moderne est issue de l'intellect humain, donc tout est fait en disséquant. Ce que vous pouvez connaître en disséquant n'est que l'aspect matériel de la vie. Vous ne pouvez pas connaître la vie en disséquant.
L'intellect est un instrument de survie. Si vous n'aviez pas un intellect discriminant, vous ne pourriez pas survivre sur cette planète. Son importance est vitale. Mais l'intellect ne peut fonctionner que s'il y a une certaine quantité de mémoire. Si vous effacez toute votre mémoire, vous aurez tout à coup l'air stupide. L'intellect n'a l'air intelligent que si vous l'alimentez avec des informations.
De nos jours, on est trop orienté vers l'intellect et les autres dimensions de l'intelligence ne sont absolument pas cultivées.
La dimension suivante du mental est appelée ahankara, que nous avons complètement ignorée. Ahankara ne veut pas dire « ego », comme la plupart des gens commencent à le penser, cela veut dire « identité ». L'intellect est un instrument qui protège l'identité. L'identité est l'instrument qui permet à l'intellect de fonctionner d'une certaine manière. Maintenant si vous dites : « Mon identité c'est ma famille », votre intellect va tout faire pour protéger cela. Au nom des races, des religions, des nations, nous avons fait beaucoup de choses complètement stupides et inhumaines, mais nous les faisons avec beaucoup de fierté parce que nous sommes identifiés. Si l'intellect est le couteau, la main qui le tient est l'identité.
La dimension suivante du mental s'appelle manas, qui est un silo de mémoire. Il y a de nombreux états de mémoire. Le système yogique est focalisé sur les façons d'activer les différentes dimensions de la mémoire, parce qu'avec une quantité limitée de mémoire, vous êtes voué à agir de façons immatures. Si votre intellect devient extrêmement capable, il est très important que votre identité soit cosmique ou sans limite et que votre mémoire soit si évoluée que toutes les dimensions de la mémoire soient actives.
La quatrième dimension de l'intelligence est appelée chitta. C'est une dimension d'intelligence qui n'est pas altérée par la mémoire. La mémoire est la base de toutes les formes qui se sont produites. C'est la mémoire stockée dans ce corps qui décide de la couleur de notre peau, ou si nous sommes un homme ou une femme, un être humain ou une autre créature. La mémoire est une immense possibilité mais c'est aussi une limitation et une frontière. La frontière entre ce qui est toi et ce qui est moi n'est que de la mémoire.
Mais chitta n'a pas de mémoire. Pas de mémoire veut dire pas de frontière. C'est une intelligence au-delà des frontières. Dans la culture yogique, il y a une façon espiègle d'exprimer cela. On dit : "Si vous atteignez votre chitta, Dieu deviendra votre esclave", car si votre intelligence devient sans limite, tout devient accessible.
4 états de conscience
Pour l'état de veille, nous avons le mot jagruti. Si vous êtes dans un état de jagruti, cela veut dire que vous êtes réveillé. Si 10 personnes s'endorment et se réveillent, au moment du réveil, elles ne seront pas toutes réveillées de la même façon. L'une peut être instantanément réveillée, une autre peut prendre deux minutes, une autre prendra une heure pour se réveiller. Une autre a besoin d'un café fort, autrement elle ne se réveillera pas. On peut donc aussi être réveillé à différents niveaux. Ça c'est jagruti. Cet état de veille n'est pas la conscience.
La dimension de conscience suivante s'appelle swapna, c'est-à-dire un état de rêve. L'état de rêve est bien plus vivant que l'état de veille pour la plupart des êtres humains. C'est comme aller au cinéma. Si vous allez au cinéma, le facteur clé de l'impact qu'a le cinéma sur vous, c'est que les lumières sont éteintes. Si vous n’éteignez pas les lumières, le film ne sera pas bon, peu importe sa qualité. Donc, un état de rêve est comme un cinéma. Éteindre les lumières dans notre expérience, ce sont les paupières. Si vous fermez les yeux, les lumières devraient être éteintes, le monde devrait être clos. Cet état de rêve est considéré comme un état plus puissant que jagruti. Le jagruti ou l'état de veille est important pour effectuer une action dans le monde mais pour la conscience humaine, en termes de profondeur d'expérience, un rêve est toujours plus profond que marcher dans la rue.
L'état suivant s'appelle sushupti, c'est-à-dire un état sans rêve, mais il y a des dimensions de conscience dont vous êtes conscient. C'est un état de sommeil totalement sans rêve, mais vous êtes conscient. Il n'y a aucune image ou vidéo qui tournent dans votre mental, il n'y a ni personnes ni mots, mais vous êtes conscient dans votre sommeil. C'est un état très puissant si vous voulez vraiment manifester quelque chose dans votre vie. C'est une chose à explorer.
Le dernier état s'appelle turya. C'est une conscience, qui n'implique aucune mémoire, d'aucune sorte. Dans les sciences yogiques, la conscience est vue essentiellement comme une intelligence au-delà de la mémoire. La mémoire est considérée comme une limitation. Ceci est une personne et cela en est une autre, simplement parce que celle-ci incarne un type de mémoire et que celle-là en incarne un autre. La « mémoire » n'est pas seulement ce dont je me souviens et ce dont vous vous souvenez. Il y a une mémoire génétique, évolutive, élémentaire, atomique, karmique, inarticulée et articulée. Ces différentes dimensions de mémoire jouent au quotidien. Par exemple, aujourd'hui, si l'on mange de la nourriture pour chien, on ne va pas devenir des chiens. Quelque chose en nous se souvient que, quoi que l'on mange, cela ne doit être transformé qu'en un être humain : la mémoire évolutive est absolue.
Les gens pensent que leurs pensées sont libres : c'est une blague, parce que votre mémoire détermine tout. En un mot, on appelle cela le karma. Le karma est l'impact résiduel de toute la mémoire que vous avez. Elle a un impact sur chacune de vos pensées, de vos émotions et de vos actions. La façon même dont vous vous tenez assis, debout, dont vous respirez, comprenez et percevez la vie est déterminée par cette mémoire. Mais il y a une intelligence au-delà de la mémoire qu'on appelle turya ou chitta, ça c'est la conscience.
Degrés de conscience
Nous sommes tous conscients, la seule question c'est : à quel point. Même un rocher, un chien et un cochon sont conscients. La seule question c'est : à quel point sont-ils conscients ? Même parmi nous, notre degré de conscience diffère d’une personne à l’autre. Ce degré de conscience détermine tout. Pour donner une analogie, je suis sûr que chacun de nous a soufflé des bulles de savon à un moment de sa vie. Quand vous soufflez une bulle de savon, la partie savonneuse est très petite, la plus grande partie est l'air qu'elle capture. Le type de savon et la façon dont il s'assemble est votre mémoire. Ça lui donne une forme. Mais quand la bulle éclate, il n'y a plus « votre air » et « mon air ». Il y a ce qu'on appelle « votre corps » et « mon corps », « votre mémoire » et « ma mémoire », « votre intellect » et « mon intellect », mais il n'y a rien de tel que « votre conscience » et « ma conscience ». La quantité que vous avez capturée ou la taille de votre bulle vont déterminer l'échelle et les possibilités de votre vie.
Élever la conscience
Vous ne pouvez ni élever la conscience, ni l'atténuer. On n'utilise l'expression « élever la conscience » que dans le contexte suivant : si vous êtes fortement identifié à votre corps physique, les limites de ce qui est vous et de ce qui n'est pas vous sont très nettes. Dans cet état, votre expérience de vous-même est celle d'une existence séparée. Cela veut dire que vous êtes en mode survie, ce qui est également la cas de toutes les autres créatures. Lorsque vous vous identifiez au corps, les limites de qui vous êtes sont fixes à 100%.
Même dans le domaine physique, plus une chose est subtile, plus les limites disparaissent. Nous respirons le même air, qui contient aussi un peu d'humidité. En respirant, nous échangeons constamment de l'air et de l'eau. Nous n'avons aucun problème avec cet échange entre nous, parce que nous ne nous sommes pas identifiés à l'air et à l'eau. Mais nous sommes identifiés à notre corps et on le considère comme étant nous-même, donc on ne veut pas que quiconque transgresse les limites de notre corps.
Ce qu'on appelle la conscience est une dimension bien plus subtile de qui vous êtes, et elle partagée par tous. C'est la même intelligence qui transforme la nourriture en chair en moi, en vous, en tout le monde. Si l'on fait passer les gens d'une identification aux limites de leur corps physique à une dimension plus profonde en eux-mêmes, leur sens du « moi » et du « toi » diminue : « toi » et « moi » semblent être les mêmes, ce qui veut dire que la conscience s'est élevée au niveau social.
Essentiellement, on n'élève pas la conscience, on élève votre expérience pour que vous deveniez plus conscient. Nous sommes tous conscients dans une certaine mesure, la question c'est : à quel point êtes-vous conscient. Vous n'avez pas à élever votre conscience, vous devez vous élever vous-même pour y accéder et en faire l'expérience. La conscience est tout le temps là. Si elle n'était pas là, vous ne seriez pas capable de convertir votre respiration et votre nourriture en vie. Vous êtes vivant, ça veut dire que vous êtes conscient. Mais jusqu'à présent, vous n'y accédez que de façon minimale. À mesure que vous y accédez de mieux en mieux, votre sens des limites s'étend. Si vous devenez identifié à la conscience, vous ferez l'expérience de chacun comme étant vous-même. C'est ce que « yoga » veut dire.
Le yoga et la conscience
Le mot « yoga » signifie « union ». Les êtres humains essaient de faire l'expérience de ce sentiment d'union de tellement de façons... Si cela s'exprime de façon très basique, on appelle ça « sexualité ». Si cela s'exprime au niveau émotionnel, on appelle ça « amour ». Si cela s'exprime au niveau mental, on appelle ça « avidité », « ambition », « conquête » ou simplement « shopping ». Si cela s'exprime de façon consciente, on appelle ça « yoga ». Mais le processus et l'aspiration de base sont les mêmes. Autrement dit, vous voulez faire de quelque chose qui n'est pas vous une partie de vous-même, vous voulez effacer la distance ou les limites entre vous et l'autre.
Que ce soit la sexualité ou une histoire d'amour, l'ambition ou la conquête, tout ce que vous essayez de faire, c'est de faire de quelque chose qui n'est pas vous une partie de vous-même. Yoga veut dire s'unir à tout, ou en d'autres termes, effacer les limites de qui vous êtes. Au lieu d'en discuter et de l'intellectualiser, nous cherchons à voir comment faire passer votre expérience de l'aspect physique de qui vous êtes, à une dimension qui dépasse le physique.
Shambhavi Mahamudra Kriya : une technologie pour élever la conscience
C'est ce que fait Shambhavi. Ça vous emmène dans une zone crépusculaire. Vous êtes encore enraciné dans le corps mais vous commencez à toucher une dimension au-delà, de telle sorte que votre expérience de la vie ne se limite pas à votre corps : vous faites l'expérience d'un phénomène plus vaste. C'est cela élever la conscience. Ça veut dire que vous faites l'expérience de tous les gens autour de vous comme faisant partie de vous.
La matière qui compose les cinq doigts de votre main était dans la terre il y a encore quelque temps, et maintenant ce sont vos cinq doigts. Ce qui était dans votre assiette hier sous forme de nourriture n'était pas vous, mais vous l'avez mangé, et aujourd'hui dans votre expérience c'est une partie de vous-même. Vous êtes capable de faire expérience de tout comme faisant partie de vous, si seulement vous l'incluez dans vos limites. Vous ne pouvez pas manger tout l'univers. Vous devez étendre vos limites d'autres façons.
Étendre les limites sensorielles de telle façon que si vous êtes assis ici, l'univers tout entier est une partie de vous-même : c'est cela le yoga, c'est cela élever la conscience. On ne le fait pas de façon philosophique ou idéologique, mais de façon expérientielle, en utilisant un processus technologique que tout le monde peut utiliser. La nature d'une technologie est telle, qu'elle va fonctionner pour quiconque a la volonté d'apprendre à l'utiliser. Vous n'avez pas à la croire, vous n'avez pas à la vénérer, vous n'avez pas à la porter sur votre tête. Vous devez juste apprendre à l'utiliser.